L’Oréal Paris… Floris London… Prada Milano… L’Occitane en Provence… Donna Karan New York… Le Bon Marché Rive Gauche… Natura Brasil… La Prairie Switzerland…
Un pays, une région ou une ville d’origine font souvent beaucoup pour l’imaginaire d’une marque. Que cela évoque la mode, une ambiance hype, des paysages exceptionnels, un savoir-faire de pointe, une culture particulière… beaucoup de marques jouent sur ce qu’on appelle en marketing « effet du pays d’origine ».
Cela peut être plus ou moins subtil, plus ou moins cohérent. Car quand on gratte un peu la surface, on se rend compte que…
…L’Oréal Paris n’a quasiment aucune égérie française
… Floris a été fondée par un Espagnol
… le « vrai » siège de L’Occitane est à Paris, métro Pyramides
… les parfums Ralph Lauren et Giorgio Armani sont détenus par le groupe L’Oréal, ce qui signifie que le développement des produits a lieu à Levallois-Perret, pas à New York, ni à Milan.
Désolée.
Vous vous souvenez d’un de mes premiers billets, celui sur Rimmel London ? Si oui, vous savez ce que probablement aucune consommatrice britannique de la marque ne sait : elle a été fondée par un… Français.
Et là, ça commence déjà mal pour la British moyenne, façon Miss Michu – qui pourrait être la nièce parfaite de Madame Smithochon (si vous ne connaissez pas les Smithochon, cultes chez les expats français à Londres, filez ici). Parce qu’elle n’aime pas trop les Français (mais est fascinée par nous, jetez un oeil à ces couvertures de livres!): ils sont trop arrogants (remarquez, c’est vrai aussi). Mais attention, elle adooore la France. Le vin (à boire, à boire !), la couisiiiine, Edith Piaf (mais adapté en Anglais c’est mieux, parce qu’elle ne comprend pas le Français), les maisons à prix d’or en Bretagne et en Normandie, la douceur de vivre des plages bondées de St Tropez, les « voilà », les « oh là là », les « comme ci, comme ça » et autres « va va voom » (j’ai essayé d’expliquer à mes collègues que non, nous n’employons pas ces expressions à longueur de journée, et que la dernière ne l’est pas, puis ai fini par abandonner).
Bref, revenons à notre mouton transgénique franco-anglais. Détenue par Coty (fondée à Paris, et dont le siège est à la fois à Paris et à New York), Rimmel London a fait de l’effet du pays d’origine sa marotte. Car elle a compris ce qui est une évidence pour quiconque vit (oui, vit, pas juste « a passé un p’tit week-end musées/shopping à Londres ») au Royaume-Uni, et qui est résumé dans cette phrase savoureuse d’une de mes amies expatriée depuis plusieurs années et fiancée à un Anglais pur sang : « La seule chose internationale que les Anglais font, c’est manger du curry ».
Car oui, le Royaume-Uni est un pays super tolérant : la société, dans les grandes villes, y est un heureux mélange de diverses vagues d’immigration qui, certes restent parfois assez cloisonnées dans leur vie privée, mais qui font qu’on peut trouver des restaurants de tous les pays du monde partout, que la vie culturelle y est multicolore et multilingue, et que j’ai parmi mes collègues des néo-zélandais, des turcs, des américains, des allemands et… des Français bien sûr ;-)
Mais l’Anglais de base reste très, très patriote. En fait, certains de ses comportements d’achat, s’ils étaient transposés à la France, l’étiquetteraient de nationaliste… mais peu importe, le marketing made in UK s’adapte. Les supermarchés vantent la provenance britannique de leur viande (oui, vous avez bien lu !), les magasins de déco proposent des tasses, des paillassons, des étuis à passeports etc entièrement tapissés de leur drapeau (de l’extérieur on trouve ça super cool, ce joli motif, mais imaginez la même chose avec le drapeau français chez nous… hum !)…
Alors pour faire plaisir à Mademoiselle Michu, la marque Rimmel s’est fendue d’un programme de « patriotisation » de choc. Jugez plutôt…
Déjà, à l’instar de L’Oréal qui, il y a quelques années, s’est flanqué du mot « Paris » (mais a troqué Laëtitia Casta pour Cheryl Cole dans sa campagne UK pour le lancement Glam Shine Reflexion :-O), Rimmel a ajouté « London ». Puis elle s’est créée un slogan explicite : « Get the London look ».
Et elle a ensuite franchi un second pas qui, à mon avis, a été déterminant dans l’ascension au rang n°1 des marques de maquillage dans ce pays : elle s’est choisie un ensemble d’égéries très British. La plus importante est bien sûr Kate Moss : ici, plus qu’une célébrité, c’est une demi-déesse. Même si elle a été au cœur de bien des scandales opiacés, même si elle a un teint de clocharde sans maquillage ni Photoshop, même si elle a déjà mangé à tous les râteliers (parfums Yves Saint-Laurent, maquillage Dior…), les Anglaises restent des fans inconditionnelles et mettent la main au portefeuille dès que sa frimousse est affichée sur une publicité.
Pour varier les plaisirs, Rimmel London s’est aussi offert les services de Lily Cole (qui a quitté l’écurie depuis), Sophie Ellis-Bextor (en France, un seul succès il y a dix ans « Murder On The Dancefloor ») et Georgia Jagger (fille de Mick). Bon, après, je ne suis pas si sûre que ce panel représente fidèlement Londres : il y aurait plutôt une demi Anglaise, deux Indiennes, une Australienne, une Française, une Polonaise, etc si on voulait faire les choses correctement. Mais bon, il faut aussi ménager les Mademoiselles Smithochon du fin fond des Midlands, de la campagne écossaise ou des cottages du Devon…
C’est aussi dans l’esthétique de ses campagnes et de ses produits que Rimmel London a voulu se rapprocher de ses consommatrices ces derniers temps. Car celles qui consomment le plus de cosmétiques sont, très probablement, les blondinettes décolorettes que l’on voit devant les pubs, vêtues, même au cœur de l’hiver, d’une minijupe, d’un haut bustier à paillettes et de sandales à talons hauts : vu le nombre de couleurs qu’elles portent en même temps sur la figure et l’épaisseur de leur couches de fond de teint et de mascara, leur fréquence d’achat make-up doit sûrement donner le tournis. Alors, si Rimmel London voulait arrêter de perdre des parts de marché au profit de marques cheap et funky comme Collection 2000 et toutes celles à 3 livres 6 pence qu’on trouve chez Superdrug, il fallait aussi revoir le look entier de la marque, qui parlait de couleurs mais proposait des produits un peu tristouilles.
C’est dans cette perspective que Rimmel London s’est dotée de visuels aux assortiments de couleurs résolument déjantés, et en a fait de même avec les teintes de ses produits comme vous pouvez le voir sur ces images récentes.
Vous remarquerez que, en plus de la couronne qui est présente sur le logo, certains produits arborent carrément le « union jack »… Vous imaginez Bourjois ou Arcancil lancer un trio de fards à paupières bleu-blanc-rouge ? En dehors de la Coupe du Monde de football, ça ferait pas mal de remous : le produit deviendrait le préféré d’une certaine Marine, le chef de produits serait licencié suite à des plaintes d’associations… Oh-là-là-va-va-voom !
Mais ici, pas de problème. Rimmel London est devenu le n°1 indéboulonnable du maquillage de grande distribution avec environ 25% de parts de marché. Pour les non-marketeurs, ça veut dire qu’un quart de l’argent dépensé dans les drugstores anglais pour du maquillage l’est pour des produits de cette marque. Quand on considère le nombre élevé de marques présentes dans ce pays (beaucoup plus nombreuses qu’en France), et que des poids lourds comme Maybelline, si importants ailleurs en Europe, sortent sans doute le champagne quand ils arrivent à 18%, ça laisse songeurs…
Car sincèrement, et en toute objectivité, les produits sont, selon moi, de qualité assez inégale, ou, disons, qu’on en a pour son argent (10,40€ pour un fond de teint, 4,30€ pour un vernis à ongles…). Pas étonnant que Rimmel London peine sur le marché français, où, à mon avis, on se démarque plus par une esthétique élégante et de l’innovation qualitative que par des visuels tape à l’œil ou des promotions incessantes (que nous sommes de toutes façons trop snobs pour pratiquer!).
Et vous?…
Que pensez-vous de l’approche de Rimmel London ? Ca vous fait rêver, vous, le « London look » prôné par la marque ? Êtes-vous sensible à l’effet du pays d’origine ? Pensez-vous que L’Oréal Paris devrait virer Gwen Stefani, et que les parfums Prada devraient être représentés par l’Italienne Monica Bellucci plutôt que la Néerlandaise Lara Stone ?
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