Pour la marque de maquillage chez laquelle je travaillais précédemment, la chaîne de drugstores Boots représentait environ 60% du chiffre d’affaires. Autant vous dire qu’on leur mangeait dans les mains. Un des impératifs était de couvrir notre acheteuse et son assistante de produits, et surtout de nouveautés bien sûr. Mais la responsable du compte Boots me mettait parfois en garde quand je lui proposais de montrer des échantillons d’une nouveauté à venir dans plusieurs mois: si le produit suscitait trop d’enthousiasme, il était tout à fait possible qu’une copie conforme (mais probablement moins cher) sous une des marques propores de Boots, se retrouve dans les rayons en même temps que notre produit. J’avais d’ailleurs pu vérifier cela lors de la sortie du vernis Chanel dans la teinte ‘Péridot’: presque en même temps, la marque pour ado de Boots, 17, proposait un vernis dans une teinte très similaire. Je devine bien que ce genre d’évènements fait « partie du jeu », mais cela m’avait toutefois choquée.
Mais là, on atteint le paroxysme avec un exemple récemment mis en avant par BritishBeautyBlogger (dont sont extraites les photos comparatives ci-dessous), et qui m’a particulièrement interpellée. Il s’agit de la marque FrontCover Cosmetics, lancée en 2008, et vendue jusqu’à récemment en exclusivité chez Boots pour le Royaume-Uni. Pour celles et ceux qui ne connaissent pas encore, il s’agit d’une marque spécialisée dans les palettes de maquillage. Deux fois par an, en écho aux saisons de la mode printemps/été et automne/hiver, FrontCover sort une série de palettes proposant un assortiment de couleurs vous permettant de reproduire chez vous les maquillages vus sur les défilés, en vous aidant des tutoriaux illustrés imprimés sur les palettes.
Il y a trois mois, j’apprends que FrontCover ne sera désormais plus disponible chez Boots. La marque venait de signer un contrat de distribution avec Sephora (non présente au Royaume-Uni), ainsi que QVC (chaîne de téléshopping, très présente au Royaume-Uni). Selon une rumeur, la marque FrontCover était frustrée que ses palettes ne soient vendues qu’à certaines périodes de l’année – notamment à Noël – et, peut-être, qu’elle soient aussi souvent en promotion (du genre 3 pour 2). L’histoire ne nous dit pas si c’est Boots qui a mis FrontCover dehors, suite à quoi la marque de maquillage s’est activée pour trouver d’autres distributeurs; où si c’est FrontCover qui a claqué la porte de Boots une fois ses contrats avec Sephora et QVC signés.
Toujours est-il que 3 mois plus tard, Boots sort des palettes très similaires, sous sa marque pour ados ’17’, à des prix très proches. Pas simplement des produits « dans l’esprit de FrontCover ». Mais des produits complètement semblables. Dans le concept, d’abord, comme le montre l’exemple ci-dessous:
L’agencement du contenu fait également état de ressemblances frappantes, vous ne trouvez-pas?
Le coup de grâce, que j’ai trouvé risible tellement il est ridicule et montre à quel point on a à faire à une imitation évidente:
Dans le même style, mais peut-être un peu moins grave car sur un produit beaucoup moins cher et moins « unique », le cas Original Source, une marque britannique de gels douche de très bonne qualité, qui s’est distinguée grâce à des formulations riches en actifs (quand c’est marqué « à la menthe », il y a vraiment de la menthe dedans, pas juste du « fragrance/parfum »), et un packaging reconnaissable entre tous (forme et typographie). Superdrug s’est allègrement inspirée de tout ça pour lancer des gels douche aux senteurs et conditionnements proches, vendus dans le même rayon forcément, et vendus 10 pence moins cher.
Je sais que nous avons également des exemples de copies de ce genre, de la part des grandes surfaces, en France. Mais là je trouve que les copies, surtout dans le cas de Front Cover / 17, sont éhontées à un point qui frise l’indécence. Et je tenais à les souligner car je partage l’avis de BritishBeautyBlogger: si c’est pour se faire pomper ses idées par les grands, à quoi ça sert que les petits se décarcassent? Autrement dit, les jeunes marques de niche vont-elles continuer à se creuser la tête pour mettre au point des produits et concepts innovants, si c’est pour se faire piquer l’idée par les distributeurs, qui bénéficient d’une force de frappe bien plus grande?
Et vous, qu’en pensez-vous? Dure loi du business, ou marketing de requins? Avez-vous des exemples de copies qui vont ont franchement choqué?